Votre enfant est férue d’information et dès son plus jeune âge, il/elle savait déjà qu’il/elle voulait travailler dans ce domaine. Quelle chance me direz-vous qu’il/elle ait déjà trouvé sa vocation ! Mais le marché du journalisme est vaste et fait appel à différentes professions.
Ne serait-ce pas l’occasion d’aller hors des sentiers battus et de découvrir de nouveaux métiers dans ce secteur en pleine mutation ? Alors pourquoi ne deviendrait-il/elle pas Journaliste de solutions ?
36% de la population française déclare éviter activement les informations, de temps en temps ou régulièrement (voir à ce titre le rapport 2022 du Reuters Institute). Et cette tendance est générale car sur l’ensemble des pays étudiés, 38% des personnes interrogées en moyenne affirment rationner ou limiter leur exposition à l’actualité.
Alors, comment expliquer une telle désaffection ?
En analysant les réponses de l’ensemble des pays, les raisons sont diverses : « trop de sujets répétitifs sur des thèmes que les journalistes considèrent essentiels, comme la politique ou la pandémie de Covid-19 (43 % des répondants), l’effet négatif que les informations ont sur l’humeur (36 %) surtout pour ceux âgés de moins de 35 ans, l’impression d’être submergé par des flots d’actualités (29 %), la certitude que les médias ne sont pas dignes de confiance (29 %), la crainte de créer des disputes (17 %), le sentiment d’impuissance face à des nouvelles déprimantes (16 %) ou encore la difficulté à se saisir des enjeux de l’actualité (8 %). »
Face à ce constat d’une actualité jugée comme anxiogène et d’une défiance croissante vis-à-vis des médias et des journalistes, le journalisme de solutions (communément appelé JOSO) est une alternative crédible.
Qu’est-ce que le journalisme de solutions ?
La notion de journalisme de solutions est apparue dans les années 1990. En effet, en 1993, Martyn Lewis, journaliste-présentateur de la BBC (Royaume-Uni), est le premier à dénoncer publiquement l’abondance de mauvaises nouvelles dans les médias. Mais c’est en 1998 que le terme “journalisme de solutions” apparaît pour la première fois dans un article de la journaliste américaine Susan Benesch intitulé The rise of solutions journalism. Elle constate ainsi que les journalistes de The Nation, Yes Magazine, ou US News & World Report traitaient l’information sous un nouvel angle et ce, en parlant des solutions aux problèmes soulevés. Car le journalisme de solutions a la particularité d’apporter des réponses concrètes aux problèmes tout en ayant un regard critique sur ces mêmes réponses.
Le journalisme de solutions – également appelé journalisme constructif, de paix ou d’impact – s’attèle à répondre à la question « Et maintenant ? ». Face à un dysfonctionnement ou à un problème analysé, le journalisme de solutions met en exergue les initiatives qui contribuent à sa résolution et selon quel impact.
À ce titre, la définition de l’association Reporters d’Espoirs – première association créée en 2004 à encourager les médias dans cette voie – permet de dresser une vision complète du journalisme de solutions :
« Le journalisme de solutions s’emploie à analyser et à diffuser la connaissance d’initiatives qui apportent des réponses concrètes, reproductibles, à des problèmes de société, économiques, sociaux, écologiques, qu’elles soient menées par des individus, collectifs, entreprises, collectivités, associations, acteurs publics ou privés. »
De part sa démarche volontariste et l’honnêteté intellectuelle en découlant, le journalisme de solutions est une voie pour recréer la confiance entre les citoyens et les médias car il a pour objectif de créer de l’intérêt, de la compréhension, et par voie de conséquence de la connaissance.
Certes, le journalisme de solutions n’est pas exempt de critiques. Il favoriserait le socialwashing de certaines organisations, proposerait une vision « angélique » de la réalité, serait militant, …
Mais ces critiques, si elles sont justifiées, sont la résultante de « mauvaises pratiques du journalisme en général, et de solutions en particulier ».
Quelle méthode adopter pour faire du journalisme de solutions ?
Pour éviter de tomber dans ces écueils, le journalisme de solutions obéit à une méthodologie rigoureuse. En exposant un problème et en explorant une ou plusieurs des réponses possibles tout en conservant son regard critique, le journalisme de solutions propose une vision plus complète de la réalité.
Tout journaliste se doit de traiter un sujet en s’assurant que les fameux « 5W » (What? Who? Why? When? Where?, respectivement Quoi ? Qui ? Pourquoi ? Quand ? Où ?) sont abordés.
À ces cinq questions, le journalisme de solutions propose d’en introduire une 6ème : And now? (Et maintenant ?, Que se passe-t-il maintenant ?). L’ajout de cette étape supplémentaire permet de présenter une réalité plus complète et nuancée.
Aussi, la méthode du journalisme de solutions repose-t-elle sur quatre principes :
- la mise en contexte puisque le journalisme de solutions met en exergue et analyse une situation posant problème ;
- le processus de résolution puisqu’il apporte une ou plusieurs réponse.s possible.s à cette situation problématique tout en la motivant ;
- l’impact concret de cette réponse puisqu’il doit en présenter les résultats idéalement chiffrés ;
- le recul critique puisqu’il ne doit pas occulter les succès et les difficultés rencontrées dans le cadre de cette réponse.
Mais le terme « solutions » ne sous-entend pas que les réponses apportées soient parfaites et absolues. En effet, « une solution est toujours relative à un contexte donné, à un moment donné, à une société ou à un groupe et son système de valeurs, à un état des connaissances, à un point de vue. Aussi il s’agit de s’intéresser à des réponses, à des initiatives locales ayant un potentiel d’inspiration et d’essaimage » et qui s’inscrivent dans le temps.
Vous l’aurez compris, le journalisme de solutions ne cherche pas l’objectivité ni la neutralité mais plutôt l’honnêteté subjective. En ce sens, le journaliste de solutions « assume son positionnement, ses propres biais intellectuels, tout en retranscrivant justement les faits et leur contexte, en toute transparence. »
A noter que presque tous les sujets peuvent être abordés dans le cadre du journalisme de solutions : de l’écologie à l’économie en passant par la culture ou le social. Les seules limites sont le manque de recul par rapport aux faits (ex. contexte de guerre) ou des événements dramatiques à forte charge émotionnelle. Dans ce dernier cas, un traitement « à chaud » des événements est contraire au journalisme de solutions. Une période de recueillement puis d’analyse est nécessaire pour trouver la ou les réponse.s afin d’éviter que ce drame se reproduise.
Où se former au journalisme de solutions ?
Se former au journalisme de solutions relève d’une démarche volontaire où le (futur) journaliste cherche à s’impliquer et être acteur dans la cité. En ce sens, le journalisme de solutions aide à la revalorisation du métier de journaliste. Cette revalorisation se matérialise notamment grâce à l’angle pris par les journalistes qui leur permet de se ménager face au caractère parfois anxiogène de l’actualité, de part la proximité avec leur lectorat le plus souvent local et de part les sujets variés qu’ils abordent.
C’est incontestable, le journalisme de solutions bouleverse les pratiques des rédactions. Personne n’est épargné. C’est donc naturellement que toute la rédaction doit être formée à ce nouveau modèle journalistique. Comme dans toute transformation, les managers ne doivent pas être oubliés (voir également « Transformation digitale & Management : une équation impossible ?« ), au même titre que les journalistes mais aussi les commerciaux.
Plus qu’une formation au sens classique du terme, il s’agit d’insuffler « l’adhésion philosophique à une vision du journalisme ». Cela passe donc dans un premier temps par des conférences et des discussions afin de sensibiliser la rédaction jusqu’à un travail in situ, sur des sujets concrets. Pour se faire, un accompagnement individuel ou en petits groupes en mode « projet » est nécessaire jusqu’à la publication finale.
Des formations externes existent également :
- Le Solutions Journalism Network propose des contenus en ligne pour découvrir le journalisme de solutions en général et selon des thématiques prédéfinies. Cet organisme est aussi connu pour la qualité de ses formations et aide les rédactions à inclure le journalisme de solutions dans leur ligne éditoriale ;
- En France, Reporters d’Espoirs forme les médias et les futurs journalistes. C’est le précurseur dans le journalisme de solutions qu’il promeut depuis plus d’une quinzaine d’années maintenant.
Où lire du journalisme de solutions ?
Difficile de fournir une vision exhaustive des différents titres de presse traitant du journalisme de solutions. Mais s’il ne fallait en citer quelques-un, me viennent tout naturellement à l’esprit : le Libé des solutions et Reporters d’Espoirs.
Le Libé des solutions en association avec Reporters d’espoirs est précurseur puisque créé en 2007. Ce numéro spécial est entièrement dédié aux initiatives « porteuses de solutions ». Paraissant une fois par an, ce journal à part entière avait été créé afin de prendre en compte les remarques des lecteurs de l’époque qui jugeaient le quotidien trop négatif et de ne jamais mettre en avant de solutions. Cette initiative fut un succès puisque le premier Libé des solutions s’est hissé dans le Top 3 des meilleures ventes de l’année.
Reporters d’Espoirs, la revue du journalisme qui donne envie d’agir, est la revue de l’association éponyme. Cette revue semestrielle de 148 pages a été créée en 2022 et se targue d’être un magazine « qui s’ouvre aux idées qui rassemblent, aident à se projeter et aiguisent curiosité, créativité, envie d’agir ».
Sources
France Université Numérique (FUN). (2023). Le MOOC du journalisme de solutions européen [Cours en ligne]. https://www.fun-mooc.fr/fr/cours/le-mooc-du-journalisme-de-solutions-europeen/
AMIEL, P. (2017). Le journalisme de solutions Une solution à la crise de la presse locale ? Communication. vol. 34/2. https://doi.org/10.4000/communication.7226
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