Article rédigé en août 2019.
Manager trentenaire à l’avenir prometteur, Catherine travaille dans le département des Ressources Humaines d’une grande entreprise du CAC 40.
Bertrand est un manager expérimenté d’une cinquantaine d’années, responsable de service dans la Direction informatique d’une PME.
Ces deux managers n’ont a priori rien de commun si ce n’est qu’ils doivent tous deux répondre à la volonté de leurs dirigeants d’aider à la transformation digitale de leur entreprise.
Bien évidemment, ni Catherine ni Bertrand ne remettent en cause cette décision car ils savent que sans ce virage, l’avenir de leur entreprise est menacé à terme.
Mais une fois la stratégie impulsée, il s’agit de la décliner opérationnellement. Or, comment faire ?
Et c’est là que leurs premiers doutes s’installent car se sentant démunis tant dans les moyens à mettre en œuvre pour l’accompagnement de leurs collaborateurs que dans leur positionnement au sein de cette nouvelle organisation.
Catherine et Bertrand sont-ils des cas isolés ? Non. Ils font partie des 51% de managers qui s’estiment être mal accompagnés en 2018 selon le Baromètre Digital Workplace du cabinet Julhiet Sterwen, réalisé par l’IFOP. Ils étaient 39% en 2017.
Un accompagnement des managers à renforcer
Certes, toujours selon ce baromètre, la maîtrise des outils numériques constitue le premier souhait d’accompagnement des managers.
Mais dans un contexte de transformation, la seule maîtrise des compétences numériques ne suffit pas. Catherine et Bertrand doivent aussi « s’augmenter » de compétences d’agilité en n’hésitant pas à apprendre de nouveaux comportements mais aussi de compétences de design thinking en développant leur créativité et leur sens de l’innovation.
Bien évidemment, l’acquisition de ces nouvelles compétences ne doit pas occulter la nécessaire maîtrise des compétences managériales traditionnelles (esprit de décision, capacité à fédérer, développement du potentiel de chaque collaborateur, etc.).
Cependant, toute la difficulté des managers dans un tel contexte est d’arriver à concilier… l’inconciliable ou du moins faire face à certaines contradictions :
- Plus de mobilité et un plus grand relâchement du lien des collaborateurs avec l’entreprise mais en même temps, un besoin de lien social et de repères ;
- Plus de collaboration et moins de formalisme dans les échanges afin de casser les silos mais en même temps, un renforcement du télétravail.
… sans compter les craintes exprimées par les salariés face à la digitalisation de leurs activités (NDLR. Voir l’article « La nécessaire implication des Ressources Humaines dans un projet de transformation digitale »)
Et la réponse à ses différentes problématiques passe indubitablement par une transformation du manager lui-même ou du moins de sa posture.
Le leadership ou le changement de posture du manager
Qualifiée par Michel Serres de troisième révolution majeure pour l’Humanité après l’écriture et l’imprimerie, la révolution numérique modifie notre rapport au temps, à l’espace mais aussi aux autres.
Transposée au monde de l’entreprise, elle induit une culture de l’immédiateté, de la mobilité et l’affaiblissement des hiérarchies au profit d’une entreprise horizontale, collaborative et libérée des silos de jadis.
Toute la difficulté des managers est de dépasser le modèle militaire qui s’était naturellement imposé à l’ère de la révolution industrielle. Aux méthodes du siècle dernier prônant le contrôle, les directives, les réprimandes, la subordination des salariés, la rétention d’information, … les managers doivent apprendre à se réinventer pour favoriser la performance et l’innovation de leurs collaborateurs dans un cadre bienveillant. Ils doivent devenir leaders.
Ainsi, Manager à l’ère digitale implique de recourir à d’autres approches qui font la part belle à :
- La confiance. Faire confiance à ses collaborateurs pour les inciter à collaborer en développant un climat de bienveillance exempt – autant que faire se peut – de rivalités.
Faire confiance à ses collaborateurs en acceptant et en permettant l’échec dans un mode Test and Learn pour favoriser des pratiques agiles et innovantes. - La transparence dans le partage des informations. Les leaders font face à des équipes de plus en plus compétentes qui accèdent plus facilement aux informations au risque parfois de crouler sous l’« infobésité ». Dans un tel contexte, la rétention d’information est illusoire. Les managers peuvent au contraire aider les collaborateurs à exploiter l’information utile à leurs activités en la transmettant de façon pertinente et contextualisée selon leurs problématiques.
- L’exemplarité et l’humilité en apprenant à ne pas valoriser son seul ego mais en valorisant les idées de ses collaborateurs, en favorisant leur autonomie, en suscitant leur engagement et leur responsabilisation, …
Les leaders se doivent ainsi d’être accessibles, à l’écoute des autres et accepter qu’ils ne peuvent réussir seuls. C’est en ayant un comportement authentique – loin du « paraître » et proche de l’« être » – qu’ils acquièrent l’autorité naturelle et la reconnaissance de leurs collaborateurs. Ils ne peuvent plus se reposer sur leur unique expérience pour être une source d’inspiration auprès de leurs équipes. Ils se doivent alors de démontrer leur compétence et faire preuve de transparence pour gagner l’estime de leurs collaborateurs. - La capacité à donner du sens pour favoriser l’adhésion des collaborateurs à tout projet de transformation digitale. Certes, cette qualité était déjà indispensable dans un contexte de « leadership traditionnel ». Néanmoins, la rapidité des mutations engendrées par la révolution digitale et la perte de repères pour certains collaborateurs nécessite de renforcer cette aptitude. En ce sens, le leader ne doit pas hésiter à partager sa vision dans un langage vrai et transparent.
Beaucoup s’interrogent sur la disparition du métier de manager à l’aune de la révolution digitale.
Il s’agit en réalité d’une transformation du mode de management. Le manager devenu leader est une pièce maîtresse à la réussite des projets de transformation digitale. En sa qualité de promoteur du changement, il accompagne ses équipes et les aide à développer leur potentiel d’innovation.
Néanmoins, nul ne doit oublier que l’obtention de bons résultats reste la priorité de tout leader.
Pour se faire, il doit plus que jamais développer une approche « orientée client ».
Quels sont de ce fait les leaders les plus compétents pour réussir la transition digitale de leur entreprise ?
Incontestablement, les « digitaliseurs » selon la matrice d’intensité digitale du Massachusetts Institute of Technology (The digital Advantage: How digital leader outperform their peers in every industry, 2nd report of Capgemini Consulting’s joint research program with MIT CDB, 2012 MIT center For Digital Business and Capgemini Consulting).
En ayant un savoir-faire tant au niveau des technologies que dans le management, ils s’appuient sur un réseau de leaders et n’hésitent pas à monter des dispositifs expérientiels. Cette attitude d’intrapreneur leur permet d’insuffler de nouvelles pratiques de travail. Ils arrivent ainsi à intégrer l’agilité au sein de leur entreprise, ce qui la rend plus innovante et concurrentielle.
Espérons que Catherine et Bertrand appartiennent à cette catégorie.
Le leadership en vidéos
Simon Sinek – Comment les grands leaders inspirent l’action (TED)
Simon Sinek – Pourquoi les bons leaders vous donnent un sentiment de sécurité (TED)