Ça y est, l’année 2024 commence ! Vœux et Bonnes résolutions rythment ce début d’année. Vous vous êtes mis à composter car c’est obligatoire depuis cette année. Vous vous interrogez peut-être sur le gaspillage alimentaire et votre empreinte carbone à mettre sur la liste de vos résolutions. Mais qu’en est-il de l’impact environnemental du numérique ?
Le numérique ? Pas si immatériel
Écouter de la musique ou voir un film en streaming, recevoir un mail,… Tous ces gestes font partie de notre quotidien désormais et nous en percevons difficilement leur matérialité. Et pourtant. Nos ordinateurs et autres smartphones sont bien réels, sans oublier les câbles, les datacentres et autres équipements qui leur permettent de communiquer entre eux.
Cisco est l’un des principaux constructeurs d’équipement réseaux et son rapport annuel sur Internet (2018 – 2023) indique qu’en 2018 il y avait :
- 3,9 milliards d’humains connectés à Internet, soit 51% de la population mondiale ;
- 19.4 milliards d’appareils connectés à Internet, 33% d’entre eux étant de l’Internet des Objets (IoT).
Or, la croissance annuelle constatée du nombre d’équipements est de l’ordre de 10%. Ainsi, selon les projections de Cisco, nous aurions atteint presque 30 milliards d’objets connectés en 2023.
Greenit estime par ailleurs dans son rapport sur l’empreinte environnementale du numérique mondial daté de 2019 que « cet univers numérique (hors êtres humains) pèse 223 millions de tonnes, soit autant que 179 millions de berlines moyennes (1,25 tonne). Cela correspond à 5 fois le poids du parc automobile français. » En 2019, Greenit dénombrait ainsi 8 équipements par utilisateur (pour environ 4,1 milliards d’êtres humains) bien qu’il y ait de très fortes disparités géographiques.
Bref, le numérique n’est pas si immatériel qu’il n’y paraît.
Le numérique ? Une empreinte environnementale non négligeable
Et son empreinte environnementale est loin d’être anecdotique. Toujours selon le rapport de Greenit, « en 2019, l’empreinte environnementale du numérique mondial représente un 7ème continent de la taille de 2 à 3 fois la France (…) et jusqu’à plus de 5 fois la France » selon les indicateurs utilisés.
Pour mesurer l’empreinte environnementale du numérique, on s’appuie traditionnellement sur les indicateurs suivants :
- Énergie primaire consommée (Quantité d’énergie primaire nécessaire pour produire l’énergie finale utilisée tout au long du cycle de vie d’un équipement (en kWh)) ;
- Empreinte carbone (Quantité de gaz à effet de serre (GES) émise sur toutes les phases de cycle de vie de l’équipement ou du service (en kg eq CO2)) ;
- Stress hydrique (Épuisement de la ressource en eau, exprimé en équivalent m³, correspondant à l’usage direct et indirect de l’eau par le consommateur ou le producteur) ;
- Consommation électrique (Quantité d’électricité consommée lors de l’utilisation d’un équipement, d’un service (en kWh)) ;
- Déplétion des minéraux (La rareté des ressources minérales (métaux notamment), plusieurs dizaines de minéraux sont considérés dans cet indicateur. La méthode tient compte du taux d’extraction et du stock disponible et l’unité est le kg antimoine équivalent (kg Sb)).
Greenit s’est prêté à l’exercice et cela s’est traduit en 2019 par l’empreinte ci-dessous. Cette empreinte doit être comprise comme étant relative à l’empreinte globale de l’humanité.
- Consommation d’énergie primaire (EP) : 4,2 % soit 6 800 TWh d’énergie primaire ;
- Émissions de gaz à effet de serre (GES) : 3,8 % soit 1 400 millions de tonnes de GES ou encore « 1,5 milliard de salariés français allant travailler pendant 1 an » ;
- Consommation d’eau (eau) : 0,2 % soit 7,8 millions de m3 d’eau douce ou encore « 242 milliards de packs d’eau minérale (9 litres) »;
- Consommation d’électricité (Elec.) : 5,6 % soir 1 300 TWh d’électricité consommée ou encore « 82 millions de radiateurs électriques (1000 Watts) allumés en permanence »;
- Déplétion des minéraux : 22 millions de tonnes d’antimoine.
Les équipements des utilisateurs (34 milliards en 2019) sont la principale source d’impact du numérique au niveau mondial. En 2019, « leur fabrication concentrait systématiquement le plus d’impacts avec 30 % du bilan énergétique global, 39 % des émissions des GES, 74 % de la consommation d’eau et 76 % de la contribution à l’épuisement des ressources abiotiques. Si on y ajoute les impacts associés à la fabrication de l’électricité qu’ils consomment, les équipements utilisateurs (hors box DSL / fibre) totalisent de 59 % à 84 % des impacts ! »
De plus, si en 2010, les ordinateurs et dispositifs d’affichage associés concentraient 33 % à 40 % du total des impacts du numérique, de nouvelles sources d’impact sont apparues depuis 2015 à la suite de nouveaux usages. Ces nouvelles sources d’impact sont les suivantes :
- Les télévisions : 9 à 23 % des impacts ;
- Les smartphones : 6 à 19 % des impacts ;
- Les objets connectés : 10 à 14 % des impacts.
Et en France ? On retrouve les mêmes tendances qu’au niveau mondial. Ainsi, en 2020, le numérique représentait 2,5 % de l’empreinte carbone nationale soit 17,2 Mt CO2éq selon une étude de l’Ademe. Les terminaux représentaient 79 % de l’empreinte carbone du numérique, les centres de données 16 % et les réseaux 5 %.
10 % de la consommation électrique française est liée aux services numériques et c’est la phase de fabrication qui concentre l’essentiel des impacts environnementaux. Elle représente 78 % de l’empreinte carbone et la phase d’utilisation 21 %.
Vers la sobriété numérique
Greenit prévoit un quintuplement du nombre d’équipements entre 2010 et 2025, soit « 2 à 3 fois plus d’impacts environnementaux en 15 ans (selon l’indicateur observé) ». En 15 ans, le numérique passera ainsi d’environ 2,5 % de l’empreinte mondiale à un peu moins de 6 % ; la plus forte progression incombant à l’émission des GES allant de 2,2 % en 2010 à 5,5 % en 2025.
Plus marquant, « en 2025, les utilisateurs concentreront de 56 % à 69 % des impacts. Par exemple, 62 % des émissions de GES du numérique seront liées aux utilisateurs, dont 35 % à la fabrication de leurs équipements ».
Quant à la France, l’Ademe prédit qu’ « à horizon 2030, si rien n’est fait pour réduire l’empreinte environnementale du numérique et que les usages continuent de progresser au rythme actuel, le trafic de données serait multiplié par 6 et le nombre d’équipements augmenterait de près de 65 % en 2030 par rapport à 2020, notamment du fait de l’essor des objets connectés. Dans ce scénario tendanciel en 2030, l’empreinte carbone du numérique en France augmenterait d’environ 45 % en 2030 par rapport à 2020 ce qui représenterait 25 Mt CO2eq contre 17,2 Mt CO2eq en 2020 ».
En 2050, « si rien n’est fait pour réduire l’empreinte environnementale du numérique, l’empreinte carbone pourrait tripler entre 2020 et 2050 dans le scénario tendanciel et représenter plus de 49 Mt CO2eq. La consommation électrique du numérique en France augmenterait quant à elle d’environ 80% pour atteindre 93 TWh (dont 39 TWh dus aux centres de données) ».
Vous l’aurez compris, en tant qu’utilisateur de services numériques, nous pouvons toutes et tous agir pour limiter à notre échelle leur impact environnemental. Alors, si en cette période de bonnes résolutions, vous êtes désormais motivé à plus de sobriété numérique, voici quelques attitudes à adopter :
#1 Je pense à éteindre mes équipements numériques quand ils ne sont pas utilisés
Rallumer un ordinateur par exemple peut mettre plus ou moins de temps et nous courrons tous après ce fameux temps ! Alors, on met notre ordinateur en veille…
Mais saviez-vous, selon l’Ademe que :
- Un ordinateur en veille utilise 20 % à 40 % de sa consommation en marche.
- Un ordinateur éteint, mais qui reste branché, continue aussi à consommer !
- Allumé toute l’année, 24h/24h, un seul ordinateur peut coûter jusqu’à 100 euros d’électricité par an !
Il est néanmoins possible d’avoir une consommation électrique raisonnable. Vous pourriez ainsi configurer vos équipements pour passer en veille prolongée et les éteindre physiquement avec une multiprise équipée d’un bouton on/off.
De plus, vous pouvez vous référer au Guide Topten qui est un comparateur d’achat qui a vocation à aider les consommateurs et les acheteurs professionnels à « diminuer leur facture énergétique et leur impact écologique en choisissant les meilleurs produits les plus économes en énergie du marché français ».
#2 Je me débarrasse de mes équipements numériques uniquement si nécessaire
En d’autres termes, je fais tout pour prolonger la durée de vie de mon équipement. Garder son matériel le plus longtemps que possible est le premier geste simple à mettre en œuvre et le plus impactant. Il faudra donc résister à la tentation de renouveler son smartphone par exemple tous les deux ans et laisser les anciens croupir dans ses tiroirs.
Et que faire si votre équipement tombe en panne ? Pensez à contacter un réparateur ou à consulter iFixit.fr, la plus grande communauté de réparation au monde qui vous permet de réparer vous-même votre équipement grâce à des pièces détachées de qualité, des outils de précision, et surtout, des tutoriels de réparation étape par étape gratuits pour des milliers de produits.
Bien sûr, vous n’êtes pas à l’abri que votre équipement soit irréparable. Dans ce cas, assurez-vous de le recycler en passant par des éco-organismes comme Ecosystem ou encore E-dechet et Ecologic.
#2 Je préfère le reconditionné au neuf
Acheter d’occasion ou reconditionné est un excellent moyen de réduire votre impact environnemental ainsi que la consommation des ressources. Ainsi, selon l’Ademe, acheter un ordinateur portable reconditionné permet d’éviter l’extraction de 127 kg de matières et l’équivalent de 82 km en voiture d’émissions de CO2 et ce, pour chaque année d’utilisation.
Quant à l’achat d’un smartphone reconditionné, votre impact environnemental annuel serait réduit — toujours selon l’Ademe — de 87 à 64%.
En d’autres termes, plus vous utilisez longtemps un appareil reconditionné, plus l’économie de matière et de gaz à effet de serre est élevée car vous substituez l’appareil reconditionné à du neuf.
Et si vous êtes amenée à devoir acheter du neuf, interrogez-vous en première intention sur la pertinence de cet achat et ce pour éviter le suréquipement. Est-il nécessaire de changer votre smartphone alors qu’il fonctionne encore ? Et pourtant, c’est que ce font 88 % des français… tentés par des offres promotionnelles incitant à la surconsommation.
Mais dans l’hypothèse où cet achat est indispensable, il vaut mieux privilégier un équipement réparable, éco-labellisé et surtout adapté à vos besoins. Vous pouvez ainsi consulter iFixit.fr pour connaître l’indice de réparabilité de l’équipement que vous souhaitez acheter. De même, les écol-labels EPEAT et TCO permettent d’identifier les équipements informatiques éco-conçus.
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En suivant ces résolutions, vous appliquerez la règle des 5R détournée pour le numérique :
- « Refuser tout ce dont nous n’avons pas vraiment besoin ;
- Réutiliser en trouvant une nouvelle vie à un objet quand c’est possible, acheter vos équipements d’occasion ou pensez à faire réparer ;
- Réduire la consommation électrique, la consommation d’espaces de stockage, etc…. ;
- Recycler en emmenant vos déchets électroniques, selon leur taille, dans l’espace dédié de la déchetterie ou chez votre distributeur qui dispose d’un bac pour les petits objets électroniques ;
- Rendre à la “Terre” en facilitant la remise en circulation des matières secondaires (Or, Argent, Cuivre, etc.) pour la fabrication de nouveaux objets ».
…. Et votre empreinte numérique s’en trouvera limitée !
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Image de Pete Linforth provenant de Pixabay